Culpabilité...
3 nuits de travail difficiles, intenses, fatigantes. Dormir 2h par jour n'aide pas !
Ne plus savoir qui l'on soigne, ni pourquoi, être là simplement, pallier les défaillances familiales, la lâcheté, être présent 24h sur 24 tel le "room service", affronter les demandes de plus en plus farfelues à des heures indues, le manque de respect envers le personnel soignant ou le voisin de chambre, occuper un lit facturé 1000 euros par jour à la sécu pour 6 di antalvic et un stilnox...
Ne pas avoir le temps de s'occuper réellement de ceux qui en ont besoin, ne plus pouvoir accompagner ceux qui sont au bout du chemin...
Comme à chaque fois, je fais des heures supplémentaires qui ne me seront jamais payées et c'est moi qui suis coupable, coupable de laisser à mon collègue 3 patients en fin de vie, dont l'état s'aggrave à la dernière minute , après avoir passé une nuit à essayer de les stabiliser, de les rassurer... De faire ce travail de deuil qu'ils refusent de toutes leurs forces, d'accepter la mort prochaine...
Cette impression d'échec, de travail mal fait alors que je sais avoir fait le maximum. Mais la maladie est la plus forte et c'est toujours dur de s'avouer vaincu. La médecine fait des progrès scientifiques, repousse sans cesse les limites mais je ne peux m'empêcher d'avoir pitié de ces gens tellement imbus d'eux-mêmes, qu'ils en oublient que la mort est l'aboutissement de la vie. On est tellement préoccupé à bien vivre sa vie, qu'on en oublie le sens et le cheminement spirituel qui va avec...
Sortir de l'hôpital et affronter la vie, les gens pressés, appeler Petit mari, minuscule contact quand nous nous voyons à peine 1h en 3 jours. Tituber de fatigue, avoir les jambes lourdes, l'esprit lourd, se sentir au bord du malaise mais repousser sans cesse ses limites car on n'a pas le droit de flancher. Superviser le départ à l'école, aider à trouver la paire de chaussettes, coiffer, vérifier le cartable, rappeller l'inscription à la cantine, entendre la porte claquer, être seule... et tomber comme un masse sur le canapé pour 3-4h d'inconscience. Se vider la tête, reprendre pied avec la vie, la réalité puis redémarrer...